LA TOMBE DIT A LA ROSE

La tombe dit à la rose :

- Des pleurs dont l'aube t'arrose

Que fais-tu, fleur des amours ?

La rose dit à la tombe :

- Que fais tu de ce qui tombe

Dans ton gouffre ouvert toujours ?

La rose dit : - Tombeau sombre,

De ces pleurs je fais dans l'ombre

Un parfum d'ambre et de miel.

La tombe dit : - Fleur plaintive,

De chaque âme qui m'arrive

Je fais un ange du ciel !

Victor Hugo

EMBRASSE MOI

Maîtresse, embrasse moi, baise-moi, serre moi,

Haleine contre haleine, échauffe moi la vie

Mille et mille baisers donne moi, je te prie

Amour veut tout sans nombre, amour n'a point de loi.

En vivant, presse moi de tes lèvres de roses,

Bégaye, en me baisant, à lèvres à demi closes

Mille mots tronçonnés, mourant entre mes bras.

Je mourrai dans les tiens, puis, toi ressucitée,

Je ressuciterai, allons ainsi là-bas,

Le jour tant soit-il court vaut mieux que la nuitée.

Je vis par et pour toi

Ainsi que pour moi-même.

Tu vis par et pour moi

Ainsi que pour toi-même.

Le soleil de mes yeux

Si je n'ai ta lumière,

Une aveugle nuée

Ennuie ma paupière.

Comme une pluie de pleurs

Découle de mes yeux,

Les éclairs de l'amour

Les éclats de la foudre

Entrefendent mes nuits

Et m'écrase en poudre

Je vis par et pour toi

Ainsi que pour moi-même.

Tu vis par et pour moi

Ainsi que pour toi-même.

Et comme chaque jour je t'aime davantage,

Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain,

Qu'importeront alors les rides du visage ?

Mon amour se fera plus grave et plus serein.

Songe que tous les jours des souvenirs s'entassent,

Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens.

Ces communs souvenirs toujours nous enlacent

Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens.

C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,

Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main

Car vois-tu chaque jour je t'aime davantage,

Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain.